Les règles du théâtre classique

Les coutumes et superstitions du théâtre classique

« Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ! »…comme l’illustre la phrase mythique de Boileau sur les règles du théâtre, il s’agit d’un monde aux codes classiques très profondément ancrés. Comédiens, metteurs en scène, directeurs de salles, machinistes et petites mains invisibles de ce monde si particulier se conforment tous à des règles non-écrites mais extrêmement importantes à leurs yeux…Les coutumes et superstitions du théâtre classique appartiennent à une culture ancienne et passionnante, qui mérite d’être explorée parce qu’elle a largement influencé les superstitions populaires. Briser un miroir, faire la roue, se croiser en sortant de scène, figurent parmi les interdits de la vie théâtrale, au même titre que de nombreuses autres règles tacites. Leur origine est souvent mal connue et surprenante. Evidemment, elles sont pour la plupart liées au succès ou à la disgrâce qui risque toujours de s’abattre sur une pièce ou un acteur. Allez, faisons résonner les trois coups, puis entamons un tour d’horizon des plus célèbres croyances théâtrales !

Sifflets interdits

Il est bien sûr parfaitement interdit d’utiliser le sifflement autour ou sur une scène de théâtre. Les plus superstitieux considèrent que c’est un appeau qui attire les sifflets du public…Plus prosaïquement, le sifflet était un usage réservé aux régisseurs, qui l’utilisaient pour changer les décors, d’où le risque de confusion si des sifflets se mettaient à résonner de toutes parts. Pour les spectateurs, en revanche, aucune interdiction particulière de siffler une pièce catastrophique, hormis sans doute les règles traditionnelles de la préséance et de politesse. 

Vert…de colère ou de peur.

C’est une des règles les plus connues du grand public : la couleur verte est proscrite chez les comédiens. Il est intéressant de noter que, chez nos voisins européens comme en Italie ou en Espagne par exemple, ce sont d’autres couleurs (le jaune, le bleu…) qui sont prohibées. En France, le mythe raconte que Molière serait mort sur scène habillé de vert, couleur qu’il affectionnait tout particulièrement. Aucune recherche historique n’est réellement venu corroborer cette croyance. Une autre explication parfois retenue et que le vert n’est pas le plus avantageux au teint des comédiens. Le rouge est, en revanche, une couleur très présente dans de nombreuses salles de théâtres, dont les rideaux sont devenus un véritable symbole.

Des fleurs, mais pas n’importe lesquelles

Il est encore très fréquent d’offrir des fleurs aux comédiens qui viennent saluer le public à la fin de la représentation, certains spectateurs n’hésitent d’ailleurs pas à lancer des fleurs ou de petits bouquets sur la scène. En revanche, il est totalement malvenu de faire cadeau d’œillet à une comédienne ou un acteur. Pourquoi ? Parce que ces fleurs, déjà symboles de mort dans la culture populaire, sont signes de malchance et présumés porter malheur à celui ou celle qui les reçoit. En effet, l’usage était que les directeurs de théâtres remercient leurs actrices avec des roses…ou avec des œillets, moins coûteux, s’ils avaient l’intention de se séparer d’elles à la saison ou à la représentation suivante.

Le mot de cinq lettres

Le mot de Cambronne n’est pas un gros mot parmi les gens de théâtre: il est en effet tout à fait bien vu de souhaiter “merde” à des comédiens avant le début d’une pièce, plutôt que “bonne chance” qui ne doit pas être prononcé…L’origine de cette superstition très surprenante ? Probablement l’époque des voitures à chevaux: lorsque le public se pressait nombreux à une pièce, le succès pouvait se mesurer devant le théâtre aux multiples déjections chevalines. L’usage s’est installé de souhaiter beaucoup de crottin !

Les autres mots interdits

Il existe tout un lexique de mots interdits de séjour dans un théâtre. L’un des plus connus est bien sûr le mot corde. Les machinistes sont un corps de métier originellement composé de nombreux marins, pour qui la “corde” est celle de la cloche qui sonne sur un navire en l’honneur des morts. Plus étonnant, il est aussi proscrit de prononcer le sulfureux nom de Macbeth, titre de la tragique pièce shakespearienne. Les professionnels du théâtre ont l’habitude de désigner cette œuvre maudite par périphrase, comme la “pièce écossaise”.

Respecter l’esprit des lieux

Dans la croyance du théâtre classique, une salle de spectacle est un lieu habité par un esprit. Par l’esprit des rires, pleurs, émotions fortes créées par les innombrables représentations données au fil des ans. Mais pas seulement…Le théâtre est aussi habité par les fantômes ! Et il convient de les ménager en faisant relâche au moins un jour par semaine, afin qu’ils puissent jouer leur propre pièce. Le directeur de théâtre qui ne respecterait pas cette règle “syndicale” de respect des esprits frappeurs, prendrait le risque de les voir perturber les représentations.

Connaissez-vous d’autres superstitions du théâtre classique que nous n’aurions pas évoquées dans cet article ? N’hésitez pas à nous le signaler en commentaire !

Molière au cours d'un diner

Molière: biographie, œuvre et anecdotes

Jean-Baptiste Poquelin était, de son vivant comme des années après sa mort, plus connu sous le nom de Molière. De ce surnom nous ne savons encore que peu de choses aujourd’hui, et Grimarest, auteur de la première biographie sur Molière, dit même ” jamais il n’en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis”.  Dramaturge reconnu, qui divisait autant qu’il amenait au larmes de rire les spectateurs lors de ses représentations, Molière est à l’origine de la Comédie Française.

Sommaire:

  1. Biographie
    1. Enfance
    2. Débuts
    3. Apogée
    4. Maladie
  2. Œuvres
  3. Un artiste contesté

Biographie

L’enfance de Molière

Jean-Baptiste Poquelin est le fils de Jean Poquelin, marchand de tapisserie et fournisseur officiel de la Cour et de Marie Cressé. Il perd sa mère alors qu’il n’a que dix ans. Le résultat de nombreuses grossesses éprouvantes certainement. Il rentre au collège jésuite de Clermont en 1635 où il côtoya le prince de Conti. Il aurait suivi des études de droits par la suite pour devenir avocat. Cependant aucune trace d’un quelconque document du barreau de Paris n’atteste qu’il ait un jour eu le diplôme. Il serait allé aider son père un an dans l’entreprise familiale avant de se lancer dans la comédie, contre l’avis de son père. Dès lors il ne sera plus Jean-Baptiste Poquelin mais Molière.

Ses débuts en tant que comédien

En 1643 Molière fonde l’illustre théâtre avec Madeleine Béjart, motivé par le simple fait de “faire rire les honnêtes gens”. Ils jouent ensemble des tragédies à la mode, en concurrence avec d’autres troupes. Ils louent le jeu de paume, dit des Métayers, et connaissent huit mois de succès. En effet, ils jouissent de la reconstruction du théâtre du Marais, suite à un incendie, et au départ temporaire des autres troupes, le temps que le théâtre rouvre ses portes.

Cependant, au terme de ces huit mois, la troupe est de nouveau confrontée à la concurrence et voit progressivement sa salle se vider. Molière et sa troupe sont alors contraints de quitter Paris en 1645, après avoir fait faillite. De 1646 à 1658, ils vivent la vie d’une troupe itinérante et Molière s’essaye pour la première fois  l’écriture de comédies. Suite au succès lors de la représentation de la farce, le docteur amoureux, devant louis XIV. Ils gagnent ainsi la confiance du roi, se font considérer comme meilleure troupe de Province, et ce voient installés au petit-Bourbon.

L’apogée

A la fois comédien, auteur et chef autoproclamé de la troupe, Molière s’engage alors sur un succès qui le suivra bien au-delà de sa mort. Le triomphe des Précieuses ridicules en font un auteur autant jalousé qu’adulé. Ce n’est qu’en 1961 qu’il décide finalement de laisser tomber les tragédies, et de se consacrer uniquement aux comédies. Le roi le soutient financièrement dès 1665, et Molière devient responsable des divertissements de la cour. Ce qui ne l’empêche pas de se moquer gentiment des figures qui gouvernement dans ses pièces. On lui doit également les comédie-ballets, dont la musique sera composée par Jean-Baptise Lully.

Maladie

Certains diront qu’il est mort sur scène, lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire, dans l’accomplissement de son art. Cependant, c’est dans son lit qu’il rendit son dernier souffle, des suites d’une hémorragie pulmonaire. Il échappe de peu à la fosse communale, suite aux requêtes du roi et de sa femme. Car en effet, le comédien qui n’avait pas renoncé à la vie de comédien ne pouvait normalement pas être exhumé au cimetière. Il le fût néanmoins, mais de nuit et sans cérémonie .

Des œuvres indémodables

Les œuvres de Molière

Si l’on devait citer 10 pièces de Molière, ce serait sans aucun doute: Le Misanthrope, Les Femmes savantes, Les Fourberies de Scapin, Tartuffe, le Malade imaginaire, l’Avare, Dom Juan, L’Ecole des femmes, Le Bourgeois Gentilhomme ou encore le médecin malgré lui. Ces pièces ont marqué le public par le message qu’elles portaient ou par des personnes emblématiques qu’on n’est pas prêt d’oublier. Voici une liste de toutes les œuvres répertoriées de Molière:

Nom de l’œuvre Date Genre théâtral Nombre de représentations
La Jalousie du Barbouillé Inconnue Farce 7
Le médecin volant Inconnue Farce 16
L’Étourdi ou les Contretemps 1654 Comédie 75
Le Dépit amoureux 1656 Comédie 76
Les Précieuses ridicules 1659 Comédie 70
Sagnarelle ou le Cocu imaginaire 1660 Comédie 143
Dom Garcie de Navarre ou le Prince Jaloux 1161 Comédie Héroïque 13
L’école des maris 1161 Comédie 130
Les Fâcheux 1662 Comédie-Ballet 121
L’école des femmes 1663 Comédie 105
La Critique de l’École des femmes 1663 Comédie 43
L’impromptu de Versailles 1664 Comédie 29
Le Mariage forcé 1664 Comédie-ballet 42
La Princesse d’Elide 1664 Comédie galante 34
Le Tartuffe ou l’hypocrite 1665 Comédie 2
Le Festin de Pierre 1665 Comédie 15
L’amour médecin 1666 Comédie 67
le Misantrhope 1666 Comédie 63
Le Médecin malgré lui 1666 Comédie 63
Amphitryon 1667 Comédie 56
Geaorge Dandin ou le mari Confondu 1667 Comédie 43
l’Avare 1668 Comédie 50
Le Tartuffe ou l’imposeur 1668 Comédie 95
Monsieur de Pourceagnac 1669 Comédie-Ballet 54
Les Amants Magnifiques 1670 Comédie 6
Le bourgeois Gentilhomme 1670 Comédie-Ballet 52
Psyché 1671 Tragédie-Ballet 83
Les Fourberies de Scapin 1671 Comédie 19
La Comtesse d’Escarbagnas 1671 Comédie 19
Les Femmes Savantes 1672 Comédie 26
Le Malade imaginaire 1673 Comédie 4

Procédés comiques

Parmi les divers procédés; Molière utilise principalement le comique de geste, le comique de situation et le comique de mots. Friand d’action rapide, de gestuelle comique repris de la farce, et de tournures verbales en tout genre, il multiplie les sources de rire dans ses pièces. C’est ainsi que certains personnages sont accoutrés des costumes les plus amusantes, ou qu’ils se retrouvent dans des postures étranges, à prononcer des répliques qui deviendront cultes. Comme la très célèbre:” Qu’allait-il faire dans cette galère”. Désireux de présenter un théâtre vrai, il met en avant la sagesse populaire à travers son texte, au service d’une morale toujours piquante et qui fait réfléchir.

Des personnages récurrents

Ce qui fait aussi et surtout la force de ses pièces, ce sont sans conteste les personnages récurrents. Les principaux sont: les bourgeois, les nobles et les domestiques. Les bourgeois sont très certainement les plus représentés. Molière y analyse tant les relations au sein de la famille, entre époux ou entre parents et enfants, que les évènements qui peuvent bousculer la cellule familiale, comme le mariage. Parmi les bourgeois les plus connus, on peut citer Harpagon de l’Avare, Monsieur Jourdain du Bourgeois Gentilhomme, ou encore l’indémodable Tartuffe, de la pièce éponyme.

Ce n’est pas un secret, Molière ne ménage pas les nobles de son temps, qu’il met régulièrement en scène. Si Dom Juan donne une image plutôt positive de l’aristocratie, les nobles se font ridiculiser dans la Critique de l’École des femmes, ou encore l’impromptu de Versailles. On peut également évoquer Monsieur et madame de Sotenville, dans la pièce George Dandin. Nobliaux ruinés, ils rachètent leur dette auprès du riche paysan en le mariant à sa fille, lui donnant ainsi le titre de “George de la Dandinière”. Seulement, le mépris des nobles envers les honnêtes gens et leur air supérieur sont ouvertement critiqués par Molière.

Enfin, puisqu’il n’y a pas de “classes supérieures” sans serviteurs, les domestiques ont eux aussi une place prépondérante dans les œuvres du comédien. Ils sont le support de l’action mais aussi de l’effet comique. Au cœur de l’intrigue, ils permettent l’avancement de l’histoire. Les serviteurs masculins sont généralement malhonnêtes, profiteurs mais néanmoins fidèles et intelligents. Les servantes sont, elles, les porte-paroles de Molière lui-même. Molière se sert également de ces personnages pour critiquer la société , ses travers, et les inégalités sociales qu’elle comporte.

Un artiste contesté

Des pièces polémiques

Molière savait rassembler, mais ses pièces de théâtre divisaient souvent également. Il l’écrit lui-même dans l’Impromptu de Versailles par Mademoiselle Molière: ” Pourquoi fait-il de si méchantes pièces que tout Paris va voir et où il peint si bien les gens que chacun s’y connaît.  Le meilleur exemple est l’affaire Tartuffe. En effet, Molière fidèle à lui-même, décide en 1664 d’écrire une pièce sapant l’autorité de l’Église. Alors que la France traverse au même moment une crise du Catholicisme. Le roi se voit alors obligé d’apporter son véto, et interdit la pièce. Le Tartuffe ou l’Hypocrite ne peut alors plus être joué, en France ou à l’étranger. La plus importante controverse du théâtre français prend alors forme. Molière se voit finalement obligé de réécrire sa pièce et de rectifier plusieurs fois l’écriture. Elle devint Le Tartuffe ou l’Imposteur, et est de nouveau autorisée 5 ans après.

Une remise en question sur la paternité de son travail

Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'”Affaire Molière”. En effet, des accusations à son encontre portent sur la paternité de ses plus grands succès, qui auraient en fait été écrits par… Corneille. Propulsée au 20ème siècle par Pierre Louÿs dans deux de ses articles, la supposée supercherie fait surtout couler beaucoup d’encre dans les années 2000. Dominique Labbé, chercheur au laboratoire de recherche en sciences sociales rattaché au CNRS et à l’université de Grenoble, prétend avoir mis au point un outils lui permettant de comparer des échantillons des textes de Molière et ceux de Corneille afin de dire si oui ou non, ces échantillons ont été écrits par la même personne.

Cet outils statistique donne ainsi un score entre 0 et 1 à la comparaison de 2 échantillons. Si c’est proche de 0, cela signifie que ça a été écrit par la même personne (selon le degré de proximité au 0) et 1 étant deux auteurs radicalement différents.Pour déjouer les pièges de la langue française qui auraient pu fausser les résultats, Dominique Labbé s’est attardé sur la fréquence d’apparition de mots dans une phrase où réside un mot donné. Dans le bu d’analyser la distance interlexicale. Et pour lui, c’est sans aucun doute Corneille qui a écrit les textes de Molière. Cependant plus qu’un imposteur, la théorie donne plutôt à Molière le rôle de prête-nom de Corneille.

Depuis 2011, Georges Forestier regroupe tous les témoignages, thèses et autres arguments qui contredisent la théorie de Louÿs. Pour lui, il est évident que Molière avait bien des tares, mais pas celle d’être un usurpateur.